viernes, 27 de junio de 2014

JEAN ALLOUCH. "Une femme sans au-delà". L'Ingérence divine III (EPEL, 2014)




Elles étaient des filles des villes, des cocottes, des grues, des poules, des mannequins dans des vitrines, des prostituées. Elle est, elle, la fille des champs, celle dont l’approche l’éveille, l’unique ; elle est « une femme en elle-même, et sans au-delà ». De quel amour le jeune philosophe Ferdinand Alquié l’aura-t-il aimé ? Jacques Lacan s’emploie à réduire sa hantise d’elle : il fait parvenir à son ami, au loin parti près d’elle, une fort émouvante lettre, à laquelle il joint le seul poème qu’il ait jamais écrit.

Unique, Ariane ne l’est pas moins dans son accouplement avec Dionysos. Nietzsche en dessine le portrait : libre, elle sait y faire avec son fil, dompter la jouissance en excès dont souffre son amant ; elle en reçoit le don dans sa chair, elle l’apaise ; elle le sait, ce bourreau est aussi un mendiant qu’elle accueille en s’en faisant, femme sans au-delà, la prisonnière. Ainsi l’aime-t-elle. On en trouvera ici une nouvelle confirmation : il n’est de casuistique psychanalytique que celle, innovante, jamais stabilisée, et qui, pour cette raison même, invite l’exercice de l’analyse à se transformer afin d’être, lui aussi, de son temps – celui où la mort de Dieu et des dieux rend possible une reconfiguration de l’érotique.