"L’organisation d’une pénalité d’enfermement n’est pas simplement récente, elle est énigmatique. Qu’est-ce qui pénètre dans la prison ? En tout cas, pas la loi. Que fabrique-t-elle ? Une communauté d’ennemis intérieurs". C’est en ces termes que Michel Foucault dénonce, dans ce cours prononcé en 1973, et que viendra compléter, en 1975, son ouvrage Surveiller et punir, le "cercle carcéral". La Société punitive étudie ainsi comment les sociétés traitent les individus ou les groupes dont elles souhaitent se débarrasser, c’est-à-dire les tactiques punitives, mais aussi la prise de pouvoir sur le corps et sur le temps et l’instauration du couple pénalité-délinquance. Michel Foucault retrace l'histoire des "tactiques fines de la sanction" dont il distingue quatre modalités : exiler ; imposer un rachat ; marquer ; enfermer. C'est dans la seconde moitié du XVIIIe siècle que se développe une "science des prisons" à fonction corrective et que se construit un discours sur le criminel et son traitement possible, donnant naissance à un schéma de société qui vise à l’absolu du contrôle et de la surveillance. L’ajustement entre le système judiciaire et le mécanisme de surveillance (l’organisation d’une police), entre l’émergence de la richesse et la pratique des illégalismes, entre la force corporelle de l’ouvrier et l’appareil de production s’accomplit ensuite au tournant du XIXe siècle. Foucault démontre donc que ce sont les instances de contrôle para-pénal du XVIIe et du XVIIIe siècle qui ont abouti, in fine, au fonctionnement de la prison, visant à l’élimination du désordre, au contrôle de la distribution spatiale des individus, de leur emplacement par rapport à l’appareil productif. La Société punitive finit par poser la question, cruciale aux yeux du philosophe, de la validité intrinsèque de la loi pénale. A-t-elle vocation universelle ou se limite-t-elle à la douteuse applicabilité d’une somme de décrets ?